jeudi 15 mars 2007

Terrain vague, Compagnie Käfig, décembre 2006

Je n'avais pas de blog à l'époque où j'ai vu ce spectacle, mais l'émerveillement ressenti est intact. Je n'étais pas au spectacle d'ailleurs, j'étais... au terrain vague, la nuit, quand tout est possible, quand il n'y a plus ni poids ni gravité, quand les hommes volent sans vent et flottent sans bouées, quand les bras s'allongent, quand la lune veille... Poésie, euphorie, funambulisme au-dessus des toits - de banlieue, du faubourg - qu'on devine derrière les palissades , parenthèses urbaines, avant la folie immobilière, avant l'âge ingrat des adultes, avant la disparition des terrains vagues - vague à l'âme - lame de fond - fond d'la mer... - la la lère...
Plongeon en enfance où la réalité n'a pas moins de consistance et de texture que le rêve. Le rêve, c'est pour les adultes nostalgiques, le rêve c'est la fuite hors du temps et ses marteaux-piqueurs, le rêve c'est la porte claquée au nez de ceux qui mesurent les terrains vagues - vague à l'âme - lame de fond - fond d'la mer - mère Michel, et qui lui construisent une belle HLM avec accession aidée à la propriété payable en 40 petites annuitées... Adieu le terrain vague.

Allongés dans les herbes folles, on était invisibles. Derrière le foyer d'étudiants étrangers, les herbes ondulaient dans le vent : c'était la mer. A hauteur d'enfants allongés sur le ventre, c'était toute la mer, avec ses nuances de verts, ses vagues, ses vents, tour à tour rasants ou plongeants, c'était toute la mer qu'on traversait, invisibles voyageurs des mercredis, des samedis et des dimanches, odyssée tant de fois recommencée...
Allongés sur le dos dans ces mêmes herbes folles, c'étaient d'autres voyages qui se jouaient sur la toile du ciel, cinéma en plein air sous-titré par les avions qui arrivaient d'Orly, qui racontaient tout autour de la terre, et tout autour du ciel, les étoiles, les galaxies, les pays lointains à portée d'herbe folle, le pays des-cousins-des-cousines- des grands-pères-et-grands-mères accroché au fil des avions qui volaient en VO sous-titrée dans nos langues emmêlées...

Allongés dans les herbes folles, nous nous sommes enracinés, mais sans doute les avions ont-ils emporté quelques uns de nos rêves clandestins, car nous nous sommes aussi senti pousser des racines là-bas, à l'autre bout du fil déroulé jusqu'ici. Jaquiers ou tamariniers ici, peupliers ou châtaigniers là-bas, toujours un peu voyageurs, toujours en VO sous-titrés...

http://www.kafig.com/francais.htm

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